GALERIE du Rempart, des toitures-terrasses, résolument contemporaines, étaient prévues à l'origine.
Pour le quartier des Tanneurs, l'auteur du plan de sauvegarde était favorable à l'édification
de bâtiments nouveaux aux côtés de structures anciennes. Ces intentions ont toutes été balayées
au profit du mythe de la ville médiévale et d'une démarche érigeant le passé en valeur universelle.
Au
cours des années soixante, la zone industrielle se développe, entraînée par la locomotive Timken.
Les tours et les barres de la ZUP poussent de manière spectaculaire. Les deux premiers ilôts
de rénovation du centre ville sont réalisés entre 1962 et 1964. Gustave Stoskopf est toujours
là. La politique de rénovation de la vieille ville se fait selon deux principes : d'une part
la construction de bâtiments neufs sous le vocable rénovation, d'autre part la remise en état
à l'identique de l'ancien sous le vocable restauration.
NÉO-ALSACIEN
La Galerie du Rempart est
l'un des exemples de construction neuve. Elle est confiée à la société Logi-Est et à Yvan Lohner,
architecte des palais et bâtiments nationaux, Parisien originaire d'Alsace. Il prévoit des immeubles
aux toitures-terrasses, mais son projet fait l'objet d'une « harmonisation » pour les limites
proches du secteur historique, face au musée d'Unterlinden. Lohner s'exécute : des toits auront
de fortes pentes et porteront des tuiles à queue de castor...
Cette opération initie, à Colmar,
le mouvement qualifié, au début des années 70, de « néo-alsacien». Un terme aussi général qu'ambigu.
On peut également appeler cela du faux-alsacien ou du pastiche.
En 1973, ces principes sont
érigés en modèle sous l'impulsion du préfet de Région de l'époque qui fait éditer un manuel
de savoir-vivre architectural : « N'abîmons pas l'Alsace ». L'Alsace et ses qualités deviennent
un label d'appellation (contrôlée ?) et l'argument principal de vente pour les opérations de
promotion immobilière diffusées dans l'ensemble de la province.
Aujourd'hui encore, cette architecture
néo-alsacienne, qui se caractérise par son manque de personnalité, fait des ravages...
VRAIMENT
EXEMPLAIRE ?
Parallèlement à la construction de la Galerie du Rempart, la ville de Colmar s'attaque
au coeur historique.
L'architecte Bertrand Monnet est chargé de l'établissement du plan de sauvegarde
et de mise en valeur. Son document, qui fixe à la fois les principes d'organisation urbaine
susceptibles de garantir la mise en valeur de la ville et les règles juridiques destinées à
protéger le patrimoine existant, est approuvé par la Ville en 1970.
Le plan est basé sur le
modèle d'une ville médiévale mythifiée et désinfectée. Le mouvement de vénération de l'histoire
est né, porté par les nostalgiques en quête d'un instrument à remonter le temps de la ville.
La
décision de faire du quartier des Tanneurs un premier exemple de restauration a été prise en
même temps que celle de créer un secteur sauvegardé. La ville, déjà largement propriétaire des
maisons, pour lancer l'opération Stoskopf de chirurgie lourde («L'Alsace » du 28 août et du
7 septembre), bénéficie de l'aide financière de l'Etat dans le cadre de la loi Malraux de 1962
et des prêts favorables du Crédit foncier. Plus de la moitié de la dépense provient finalement
de financements publics.
OUBLIÉE
LA MODERNITÉ
Les travaux sont achevés en 1975. L'opération
est consacrée comme « exemplaire » dans le cadre de l'année européenne du patrimoine architectural.
La Ville met en avant le rayonnement de la réalisation, les retombées touristiques, le travail
apporté aux entreprises locales et le contenu social de l'opération en rappelant qu'elle a ainsi
lutté contre l'insalubrité. Face à l'extension de la ZUP, la municipalité invoque aussi un nécessaire
renforcement du centre historique.
Oublié donc, le programme initial qui prévoyait l'édification
de bâtiments nouveaux et la présence d'une architecture contemporaine dans la vieille ville.
Toute modernité du langage a été gommée par un coup de baguette magique.
Quelques années plus
tard, lors d'une remise de médaille, Bertrand Monnet dira au maire : « Je vous ai sauvé la ville,
je ne l'oublierai jamais».
Mais a-t-il vraiment sauvé le centre historique en le privant presque
entièrement d'une architecture contemporaine ? Quelle trace du vingtième siècle la ville de
Colmar pourra-t-elle montrer à ses visiteurs futurs ?
Il y a quelques années la revue « Architecture
aujourd'hui » avait critiqué cette dimension trop muséographique et « Le Monde » avait évoqué
la « kermesse architecturale de Colmar »...
Francis GUTHLEBEN
et Michel SPITZ, architecte
© Archives du Journal L'Alsace, 1999