Colmar
   

Un plan de sauvegarde et de mise en valeur permet d'édicter des rêgles très précises concernant aussi-bien la conservation du patrimoine ancien que les constructions nouvelles. Mis en place depuis 1970 à Colmar, le PSMV sacralise le passé au détriment de l'architecture contemporaine. Il fait aujourd'hui l'objet d'une révision : la muséification du centre-ville ne constitue peut-être pas la solution idéale en matière d'aménagement urbain ...

Les archives disponibles :
- Mercredi 7 Mai 1997 : l'avant-dernère étape (DNA),
- Mardi 23 Septembre 1997 : ces autres façades, arrêt sur image
. (L'Alsace).


  Mercredi 7 Mai 1997 Précédent | Suite  
   


  Le conseil municipal a approuvé lundi soir à l'unanimité la dernière mouture du plan de sauvegarde et de mise en valeur du « coeur historique » de Colmar.


 Menée l'an dernier, l'enquête publique relative au plan de sauvegarde et de mise en valeur du centre historique a conduit à retenir vingt-six observations. Elles émanaient de particuliers, ainsi que des représentants de la Ville, de la Chambre de métiers et de la Chambre de commerce et d'industrie. La version modifiée du plan a été transmise à la Ville le 14 février dernier.

 Lundi soir, les élus de la majorité et de Rassemblés pour Colmar ont fait part de leur satisfaction et approuvé unanimement la dernière mouture du plan. « C'est un texte de compromis, un règlement précis (qui) limite l'arbitraire et garantit les libertés », considère Serge Rosenblieh. Le leader de l'opposition a toutefois émis quelques réserves et un regret. « Le plan laisse de gros problèmes ouverts : le stationnement et la circulation, la piétonnisation... Il est dommage que l'on ne fasse que du pastiche de l'ancien au centre-ville », a-t-il ajouté. Brigitte Klinkert lui a répondu que la future médiathèque de Colmar, encore dans les limbes, pourra « témoigner de ce qu'est l'architecture de cette fin de XXe siècle ».

 Après avoir reçu l'approbation du conseil municipal, le plan de sauvegarde sera soumis à l'avis de la commission nationale des secteurs sauvegardés. Avant de prendre effet, il devra encore être examiné par le Conseil d'Etat, qui prendra un décret d'approbation. Ce sera la dernière étape de cette longue procédure.


P.Se.

© Archives des Dernières Nouvelles D'Alsace, 1999



  Mardi 23 Septembre 1997 Précédent  
   


 La Galerie du Rempart était prévue à l'origine avec des toitures-terrasses et, dans le quartier des Tanneurs, des bâtiments nouveaux étaient préconisés. Colmar a préféré sacraliser le passé, vrai au faux (Photo « L'ALSACE » Thierry Gachon)  Au cours des années 60, deux tendances architecturales à Colmar... Les bâtiments neufs sont néo-alsaciens, la restauration sacralise le passé.


 GALERIE du Rempart, des toitures-terrasses, résolument contemporaines, étaient prévues à l'origine. Pour le quartier des Tanneurs, l'auteur du plan de sauvegarde était favorable à l'édification de bâtiments nouveaux aux côtés de structures anciennes. Ces intentions ont toutes été balayées au profit du mythe de la ville médiévale et d'une démarche érigeant le passé en valeur universelle.

Au cours des années soixante, la zone industrielle se développe, entraînée par la locomotive Timken. Les tours et les barres de la ZUP poussent de manière spectaculaire. Les deux premiers ilôts de rénovation du centre ville sont réalisés entre 1962 et 1964. Gustave Stoskopf est toujours là. La politique de rénovation de la vieille ville se fait selon deux principes : d'une part la construction de bâtiments neufs sous le vocable rénovation, d'autre part la remise en état à l'identique de l'ancien sous le vocable restauration.

NÉO-ALSACIEN

La Galerie du Rempart est l'un des exemples de construction neuve. Elle est confiée à la société Logi-Est et à Yvan Lohner, architecte des palais et bâtiments nationaux, Parisien originaire d'Alsace. Il prévoit des immeubles aux toitures-terrasses, mais son projet fait l'objet d'une « harmonisation » pour les limites proches du secteur historique, face au musée d'Unterlinden. Lohner s'exécute : des toits auront de fortes pentes et porteront des tuiles à queue de castor... Cette opération initie, à Colmar, le mouvement qualifié, au début des années 70, de « néo-alsacien». Un terme aussi général qu'ambigu. On peut également appeler cela du faux-alsacien ou du pastiche. En 1973, ces principes sont érigés en modèle sous l'impulsion du préfet de Région de l'époque qui fait éditer un manuel de savoir-vivre architectural : « N'abîmons pas l'Alsace ». L'Alsace et ses qualités deviennent un label d'appellation (contrôlée ?) et l'argument principal de vente pour les opérations de promotion immobilière diffusées dans l'ensemble de la province. Aujourd'hui encore, cette architecture néo-alsacienne, qui se caractérise par son manque de personnalité, fait des ravages...

VRAIMENT EXEMPLAIRE ?

Parallèlement à la construction de la Galerie du Rempart, la ville de Colmar s'attaque au coeur historique. L'architecte Bertrand Monnet est chargé de l'établissement du plan de sauvegarde et de mise en valeur. Son document, qui fixe à la fois les principes d'organisation urbaine susceptibles de garantir la mise en valeur de la ville et les règles juridiques destinées à protéger le patrimoine existant, est approuvé par la Ville en 1970. Le plan est basé sur le modèle d'une ville médiévale mythifiée et désinfectée. Le mouvement de vénération de l'histoire est né, porté par les nostalgiques en quête d'un instrument à remonter le temps de la ville. La décision de faire du quartier des Tanneurs un premier exemple de restauration a été prise en même temps que celle de créer un secteur sauvegardé. La ville, déjà largement propriétaire des maisons, pour lancer l'opération Stoskopf de chirurgie lourde («L'Alsace » du 28 août et du 7 septembre), bénéficie de l'aide financière de l'Etat dans le cadre de la loi Malraux de 1962 et des prêts favorables du Crédit foncier. Plus de la moitié de la dépense provient finalement de financements publics.

OUBLIÉE LA MODERNITÉ

Les travaux sont achevés en 1975. L'opération est consacrée comme « exemplaire » dans le cadre de l'année européenne du patrimoine architectural. La Ville met en avant le rayonnement de la réalisation, les retombées touristiques, le travail apporté aux entreprises locales et le contenu social de l'opération en rappelant qu'elle a ainsi lutté contre l'insalubrité. Face à l'extension de la ZUP, la municipalité invoque aussi un nécessaire renforcement du centre historique. Oublié donc, le programme initial qui prévoyait l'édification de bâtiments nouveaux et la présence d'une architecture contemporaine dans la vieille ville. Toute modernité du langage a été gommée par un coup de baguette magique. Quelques années plus tard, lors d'une remise de médaille, Bertrand Monnet dira au maire : « Je vous ai sauvé la ville, je ne l'oublierai jamais». Mais a-t-il vraiment sauvé le centre historique en le privant presque entièrement d'une architecture contemporaine ? Quelle trace du vingtième siècle la ville de Colmar pourra-t-elle montrer à ses visiteurs futurs ? Il y a quelques années la revue « Architecture aujourd'hui » avait critiqué cette dimension trop muséographique et « Le Monde » avait évoqué la « kermesse architecturale de Colmar »...


Francis GUTHLEBEN et Michel SPITZ, architecte

© Archives du Journal L'Alsace, 1999


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